15
La Grande Inquisitrice de Poudlard

Le lendemain, ils s’attendaient à devoir éplucher soigneusement La Gazette du sorcier pour y trouver l’article dont Percy avait parlé dans sa lettre. Mais, à peine le hibou livreur de journaux s’était-il envolé de la cruche de lait sur laquelle il était venu se poser qu’Hermione fit un bond sur sa chaise. Elle étala aussitôt le journal sur la table, montrant une grande photo de Dolores Ombrage qui souriait largement et clignait lentement des yeux sous la manchette :

 

LE MINISTÈRE VEUT RÉFORMER L’ÉDUCATION DOLORES OMBRAGE NOMMÉE GRANDE INQUISITRICE

 

— Ombrage… Grande Inquisitrice ? murmura Harry d’un air sombre, sa tartine à moitié mangée lui glissant des doigts. Qu’est-ce que ça veut dire ?

Hermione lut à haute voix :

 

Dans une initiative inattendue, le ministère de la Magie a publié hier soir un nouveau décret qui lui permettra d’exercer un contrôle sans précédent sur l’école de sorcellerie de Poudlard.

« Depuis un certain temps déjà, les responsables du ministère étaient de plus en plus préoccupés par certains agissements qu’on pouvait observer à Poudlard, nous a déclaré Percy Weasley, le jeune assistant du ministre. Il s’agit aujourd’hui de répondre aux inquiétudes exprimées par des parents alarmés qui sentent que l’école prend une direction qu’on ne saurait approuver. »

Ce n’est pas la première fois, ces dernières semaines, que le ministre, Cornélius Fudge, établit de nouvelles lois pour améliorer le fonctionnement de l’école de sorcellerie. Déjà, le 30 août dernier, le décret d’éducation numéro vingt-deux établissait que, dans le cas où l’actuel directeur ne serait pas en mesure de proposer un candidat à un poste d’enseignant, le ministère serait chargé de choisir lui-même la personne qualifiée.

« C’est ainsi que Dolores Ombrage a pu être nommée professeur à Poudlard, indique Weasley. Dumbledore était incapable de trouver quelqu’un. Le ministre a donc choisi Ombrage qui, bien entendu, a remporté un succès immédiat…»

 

— A remporté QUOI ? s’exclama Harry.

— Attends, ça continue, dit Hermione d’un air lugubre.

 

«… un succès immédiat. Elle a en effet totalement révolutionné l’enseignement de la défense contre les forces du Mal et a pu fournir au ministre des informations recueillies sur le terrain à propos de ce qui se passe réellement dans l’école. »

C’est cette dernière fonction que le ministère a désormais officialisée grâce au décret d’éducation numéro vingt-trois qui crée à Poudlard le poste de Grand Inquisiteur – en l’occurrence de Grande Inquisitrice.

« Il s’agit d’une nouvelle étape passionnante dans le projet du ministère de traiter concrètement le problème de ce que certains appellent la « baisse de niveau » à Poudlard, souligne Weasley. L’inquisitrice aura le pouvoir d’inspecter ses collègues enseignants et de veiller ainsi à ce qu’ils se montrent à la hauteur de leur tâche. Le professeur Ombrage s’est vu offrir ce poste en plus de celui d’enseignante et nous avons le très grand plaisir de vous annoncer qu’elle a accepté d’en assumer les responsabilités. »

Ces nouvelles initiatives ont reçu le soutien enthousiaste des parents d’élèves de Poudlard.

« Je me sens beaucoup plus tranquille, maintenant que je sais que Dumbledore est soumis à une évaluation juste et objective de la façon dont il exerce ses fonctions, nous a ainsi déclaré Lucius Malefoy, quarante et un ans, que nous avons pu joindre hier dans son manoir du Wiltshire. Nombre de parents d’élèves soucieux des intérêts de leurs enfants se sont inquiétés de certaines décisions excentriques de Dumbledore au cours de ces dernières années. Aujourd’hui, nous sommes heureux de savoir que le ministère surveille la situation de près. »

Parmi ces décisions excentriques, on rappellera diverses nominations dont nous avons déjà fait état dans ces colonnes, notamment celles du loup-garou Remus Lupin, du demi-géant Rubeus Hagrid et de l’ex-Auror paranoïaque Maugrey « Fol Œil ».

Les rumeurs ne manquent pas, bien sûr, pour affirmer qu’Albus Dumbledore, autrefois manitou suprême de la Confédération internationale des sorciers et président-sorcier du Magenmagot, n’est plus en état de diriger la prestigieuse école de Poudlard.

« Je pense que la nomination de l’inquisitrice est un premier pas pour garantir à l’avenir que Poudlard sera dirigé par quelqu’un en qui nous pourrons avoir toute confiance », nous a déclaré hier soir un membre du ministère.

Deux juges du Magenmagot, Griselda Marchebank et Tiberius Ogden, ont démissionné pour protester contre la création du poste de Grand Inquisiteur à Poudlard.

« Poudlard est une école, pas un poste avancé du cabinet de Cornélius Fudge, affirme Mrs Marchebank. Il s’agit une fois de plus d’une tentative abjecte de discréditer Dumbledore. »

(Pour plus de détails concernant les liens présumés de Mrs Marchebank avec des groupes subversifs de gobelins, voir page 17.)

 

Hermione acheva sa lecture puis regarda Harry et Ron assis face à elle.

— Maintenant, on sait pourquoi on a cette Ombrage sur le dos ! Fudge a fait passer un « décret d’éducation » et nous l’a imposée ! Et à présent, elle a le pouvoir d’inspecter les autres profs !

Les yeux d’Hermione étincelaient et sa respiration s’était accélérée.

— Je n’arrive pas à y croire. C’est absolument scandaleux !

— Je sais bien, dit Harry.

Il regarda sa main crispée sur la table et distingua les contours blanchâtres des mots qu’Ombrage l’avait forcé à graver dans sa chair.

Un sourire était cependant apparu sur le visage de Ron.

— Qu’est-ce qu’il y a ? s’étonnèrent Harry et Hermione en se tournant vers lui.

— J’ai hâte de voir McGonagall inspectée, dit-il d’un ton joyeux. Ombrage ne verra pas le coup venir !

— Allez, venez, dit Hermione en se levant d’un bond. On ferait bien d’y aller, si elle inspecte Binns, il ne faut pas qu’on soit en retard…

Mais le professeur Ombrage n’inspecta pas leur cours d’histoire de la magie qui fut tout aussi ennuyeux que le lundi précédent. Elle ne se montra pas davantage dans le cachot de Rogue lorsqu’ils arrivèrent pour leur double cours de potions où le devoir de Harry sur la pierre de lune lui fut rendu avec un grand D aux angles pointus griffonné dans le coin supérieur.

— Je vous ai mis les notes que vous auriez obtenues si vous aviez rendu ces copies-là à l’épreuve de BUSE, dit Rogue avec un sourire narquois tandis qu’il passait entre les tables pour distribuer les devoirs corrigés. Voilà qui devrait vous donner une idée assez réaliste de ce qui vous attend le jour de l’examen.

Rogue revint à l’autre bout de la salle et se tourna face aux élèves.

— La moyenne générale de ce devoir se situe à des profondeurs abyssales. Si ce sujet vous avait été soumis à l’examen, la plupart d’entre vous auraient été recalés. J’espère que vous ferez un plus grand effort pour votre devoir de cette semaine qui portera sur les divers types d’antidotes aux venins, sinon, je serai obligé de donner des retenues aux ânes qui n’arrivent pas à obtenir plus qu’un D.

Il eut un petit rire lorsque Malefoy murmura assez fort pour que tout le monde puisse l’entendre :

— Ah tiens, il y en a qui ont eu un D ?

Harry vit qu’Hermione lui jetait un regard en biais pour voir quelle note il avait obtenue. Il se hâta de glisser son devoir dans son sac en songeant qu’il valait mieux que cette information reste confidentielle.

Décidé à ne pas donner à Rogue un prétexte pour lui faire rater sa potion du jour, Harry lut et relut ligne à ligne les instructions inscrites au tableau avant de les mettre en pratique. Sa solution de Force n’avait certes pas la couleur turquoise de celle d’Hermione mais au moins, elle était bleue et non pas rose comme celle de Neville. À la fin du cours, il alla en remettre un flacon à Rogue avec un sentiment mêlé de soulagement et de défi.

— C’était moins terrible que la semaine dernière, non ? dit Hermione lorsqu’ils montèrent l’escalier qui menait au hall d’entrée pour aller déjeuner dans la Grande Salle. Et les devoirs n’étaient pas si mal que ça, qu’est-ce que vous en pensez ?

Voyant que ni Ron ni Harry ne répondaient, elle poursuivit :

— Je veux dire, bon, d’accord, je ne m’attendais pas à avoir le maximum, surtout s’il note comme aux BUSE, mais déjà, obtenir une note passable à ce stade, c’est quand même encourageant, vous ne trouvez pas ?

Harry émit un bruit de gorge qui n’engageait à rien.

— Bien sûr, beaucoup de choses peuvent se passer entre maintenant et le jour des examens, nous avons tout le temps de faire des progrès, mais les notes qu’on obtient aujourd’hui sont une sorte de base sur laquelle on peut construire quelque chose…

Ils s’assirent ensemble à la table des Gryffondor.

— Évidemment, j’aurais été enchantée si j’avais obtenu un O…

— Hermione, dit sèchement Ron, si tu veux savoir quelles notes on a eues, tu n’as qu’à le demander.

— Oh, je ne… je ne voulais pas… enfin, si vous avez vraiment envie de me le dire…

— Moi, j’ai eu un P, dit Ron en se servant un bol de soupe. Alors, heureuse ?

— Il n’y a pas de quoi en avoir honte, dit Fred.

Il venait d’arriver à la table en compagnie de George et de Lee Jordan et s’assit à la droite de Harry.

— C’est très bien, un bon vieux P.

— Mais P, dit Hermione, ça signifie…

— « Piètre », oui, acheva Lee Jordan. Mais c’est toujours mieux que D qui veut dire « désolant ».

Harry sentit le rouge lui monter aux joues et se mit à tousser en faisant semblant d’avoir avalé de travers. Lorsqu’il reprit contenance, il s’aperçut à son grand regret qu’Hermione continuait sur sa lancée :

— Alors, les meilleures notes, disait-elle, c’est O pour Optimal et ensuite A…

— Non, E, rectifia George. E pour « effort exceptionnel ». D’ailleurs, j’ai toujours pensé que Fred et moi aurions dû avoir un E dans toutes les matières parce que le simple fait de nous présenter aux examens constituait en soi un effort exceptionnel.

Tout le monde éclata de rire à l’exception d’Hermione qui insista pesamment :

— Alors, après le E, il y a le A pour « acceptable » et c’est la dernière note qui permet de passer, c’est ça ?

— Ouais, dit Fred.

Il trempa un petit pain entier dans sa soupe et l’avala d’un coup.

— Après, c’est P pour « piètre » (Ron leva les bras en signe de triomphe) et D pour « désolant ».

— Il y a aussi T, lui rappela George.

— T ? s’inquiéta Hermione, l’air effaré. Encore pire que D ? Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire, T ?

— « Troll », répondit George.

Harry éclata de rire à nouveau bien qu’il ne sût pas très bien si George plaisantait ou pas. Il s’imagina essayant de cacher à Hermione qu’il avait obtenu un T dans toutes ses épreuves de BUSE et résolut aussitôt de travailler davantage.

— Vous avez déjà eu un cours inspecté, vous ? leur demanda Fred.

— Non, répondit aussitôt Hermione. Et vous ?

— Juste avant le déjeuner, dit George. Sortilèges.

— Comment ça s’est passé ? demandèrent ensemble Harry et Hermione.

Fred haussa les épaules.

— Pas trop mal. Ombrage était tapie dans un coin et griffonnait sur son bloc-notes. Tu connais Flitwick, il l’a traitée comme si c’était une invitée, ça n’avait pas l’air de le déranger le moins du monde. Elle n’a pas dit grand-chose, simplement posé quelques questions à Alicia sur la façon dont se passent les cours d’habitude. Alicia a répondu qu’ils étaient toujours intéressants et ça s’est arrêté là.

— Je ne vois pas comment on pourrait donner une mauvaise note à ce vieux Flitwick, dit George. En général, ses élèves sont toujours reçus aux examens.

— Vous avez qui, cet après-midi ? demanda Fred à Harry.

— Trelawney…

— Elle, c’est sûr qu’elle mérite un T.

— Et Ombrage aussi.

— Écoute, sois gentil et contrôle tes nerfs avec Ombrage, aujourd’hui, d’accord ? dit George. Angelina va devenir cinglée si jamais tu rates encore une séance d’entraînement.

Mais Harry n’eut pas à attendre le cours de défense contre les forces du Mal pour revoir le professeur Ombrage. Assis tout au fond de la classe de divination, plongée comme d’habitude dans la pénombre, il sortait de son sac le journal de ses rêves lorsque Ron lui donna un coup de coude dans les côtes. Il regarda autour de lui et vit le professeur Ombrage qui émergeait de la trappe aménagée dans le sol. Les élèves qui bavardaient allègrement se turent aussitôt. La chute brutale du niveau sonore éveilla l’attention du professeur Trelawney, occupée à distribuer des exemplaires de L’Oracle des rêves.

— Bonjour, professeur Trelawney, dit Ombrage avec son large sourire. Je pense que vous avez dû recevoir mon petit mot ? Celui dans lequel je vous indiquais le jour et l’heure de mon inspection ?

Le professeur Trelawney hocha sèchement la tête puis, l’air très mécontent, tourna le dos au professeur Ombrage et continua de distribuer les livres. Toujours souriante, Ombrage saisit le dossier du fauteuil le plus proche qu’elle emporta à l’autre bout de la classe pour l’installer à quelques centimètres derrière celui du professeur Trelawney. Puis elle s’assit, prit son bloc-notes dans son sac à fleurs et attendit que le cours commence.

Les mains légèrement tremblantes, le professeur Trelawney resserra ses châles autour d’elle et contempla la classe à travers les énormes verres grossissants de ses lunettes.

— Aujourd’hui, nous allons poursuivre notre étude des rêves prémonitoires, dit-elle dans une courageuse tentative pour retrouver ses habituelles tonalités mystiques, bien que sa voix fût quelque peu chevrotante. Répartissez-vous en équipes de deux, s’il vous plaît. À l’aide de L’Oracle, vous échangerez vos interprétations de vos visions nocturnes les plus récentes.

Elle voulut retourner vers son fauteuil mais quand elle vit le professeur Ombrage assise juste derrière, elle bifurqua aussitôt vers la gauche en direction de Parvati et Lavande qui s’étaient déjà lancées dans une grande discussion autour du dernier rêve de Parvati.

Harry ouvrit son exemplaire de L’Oracle des rêves et observa Ombrage à la dérobée. Elle écrivait déjà sur son bloc-notes. Quelques minutes plus tard, elle se leva et se mit à arpenter la pièce dans le sillage de Trelawney, écoutant ses conversations avec les élèves, posant une question de-ci, de-là. Harry pencha brusquement la tête sur son livre.

— Pense vite à un rêve, dit-il à Ron, au cas où le vieux crapaud viendrait par ici.

— Je l’ai déjà fait la dernière fois, protesta Ron, c’est à toi d’en trouver un.

— Je n’ai aucune idée…, dit Harry d’un ton désespéré.

Il ne se souvenait pas d’avoir rêvé quoi que ce soit dans les jours précédents.

— Je vais dire que j’ai rêvé que… je noyais Rogue dans mon chaudron. Oui, ça ira…

Ron pouffa de rire et ouvrit son Oracle des rêves.

— O.K., alors il faut additionner ton âge et la date où tu as fait le rêve, puis ajouter le nombre de lettres du sujet… C’est quoi le sujet du rêve, à ton avis ? Noyade, Chaudron ou Rogue ?

— Ça ne fait rien, n’importe lequel, dit Harry en risquant un coup d’œil derrière lui.

Le professeur Ombrage se tenait à présent à côté du professeur Trelawney et prenait des notes tandis que celle-ci posait des questions à Neville sur son journal des rêves.

— À quelle date tu as rêvé ça ? demanda Ron, plongé dans ses calculs.

— Je ne sais pas, la nuit dernière ou n’importe quand, répondit Harry qui essayait d’entendre ce qu’Ombrage disait au professeur Trelawney.

Elles n’étaient plus qu’à une table de distance, à présent. Le professeur Ombrage nota à nouveau quelque chose et le professeur Trelawney parut très irritée.

— Dites-moi, demanda Ombrage en levant les yeux vers Trelawney, depuis combien de temps occupez-vous ce poste, exactement ?

Le professeur Trelawney se renfrogna, les bras croisés, les épaules voûtées, comme si elle cherchait à se protéger le mieux possible de l’indignité d’une telle inspection. Après un bref silence au cours duquel elle parut estimer que la question n’était pas offensante au point de refuser d’y répondre, elle déclara avec une profonde amertume :

— Près de seize ans.

— Une longue période, commenta le professeur Ombrage en écrivant quelque chose sur son bloc-notes. Et c’est donc le professeur Dumbledore qui vous a nommée ?

— Exact, répondit sèchement Trelawney.

Le professeur Ombrage écrivit à nouveau.

— Vous êtes une arrière-arrière-petite-fille de la célèbre voyante Cassandra Trelawney ?

— Oui, répondit le professeur Trelawney en redressant un peu la tête.

Encore quelques mots jetés sur le bloc-notes.

— Mais je crois, vous me corrigerez si je me trompe, que vous êtes la première dans la famille depuis Cassandra à avoir le don de double vue ?

— Ces choses-là sautent souvent… heu… Trois générations, assura le professeur Trelawney.

Le sourire de crapaud du professeur Ombrage s’élargit.

— Bien sûr, dit-elle d’une voix douce en écrivant encore quelques mots. Alors, peut-être pourriez-vous me prédire quelque chose ?

Toujours souriante, elle la regardait d’un air interrogateur.

Le professeur Trelawney se raidit, comme si elle n’en croyait pas ses oreilles.

— Je ne comprends pas ce que vous voulez dire, répondit-elle en serrant son châle d’un geste convulsif autour de son cou décharné.

— J’aimerais bien que vous me fassiez une prédiction, dit très clairement le professeur Ombrage.

À présent, Harry et Ron n’étaient plus les seuls à regarder et écouter discrètement derrière leurs livres. La plupart des élèves, fascinés, observaient à la dérobée le professeur Trelawney qui s’était redressée de toute sa taille, ses colliers et ses bracelets de perles s’entrechoquant bruyamment.

— Le troisième œil ne voit pas sur commande ! déclara-t-elle, scandalisée.

— Je comprends, dit le professeur Ombrage à mi-voix en prenant encore quelques notes.

— Je… mais… mais… attendez ! dit soudain le professeur Trelawney.

Elle fit une tentative pour reprendre son habituel ton éthéré, mais ses accents mystiques étaient gâchés par la colère qui faisait trembler sa voix.

— Je… je crois que je vois quelque chose… quelque chose qui vous concerne vous… Oui, je sens quelque chose… quelque chose de sombre… une très grave menace…

Le professeur Trelawney pointa un index tremblant sur le professeur Ombrage qui continuait de lui sourire aimablement, les sourcils levés.

— J’ai bien peur… j’ai bien peur que vous ne soyez en grand danger ! acheva le professeur Trelawney d’un ton dramatique.

Il y eut un silence. Le professeur Ombrage continuait de hausser les sourcils.

— Bien, dit-elle à voix basse en écrivant encore sur son bloc-notes, si vous ne pouvez pas faire mieux…

Elle se détourna, laissant le professeur Trelawney plantée sur place, la respiration haletante. Harry croisa le regard de Ron et vit tout de suite qu’il pensait la même chose que lui : tous deux savaient que le professeur Trelawney n’était qu’une vieille farceuse mais ils éprouvaient par ailleurs une telle aversion pour Ombrage qu’ils se sentaient entièrement de son côté – jusqu’au moment où elle se précipita sur eux, quelques secondes plus tard.

— Alors ? dit-elle avec une brusquerie inhabituelle, en claquant des doigts sous le nez de Harry. Montrez-moi un peu le journal de vos rêves, je vous prie.

Lorsqu’elle eut donné de toute la force de sa voix son interprétation personnelle des rêves de Harry (dont chacun, même celui dans lequel il mangeait du porridge, annonçait apparemment une mort atroce et prématurée), il éprouva beaucoup moins de sympathie à son égard. Pendant tout ce temps, le professeur Ombrage était restée tout près et continuait d’écrire sur son bloc-notes. Quand la cloche retentit, elle fut la première à descendre l’échelle d’argent et, dix minutes plus tard, elle les attendait au cours de défense contre les forces du Mal.

À leur entrée dans la classe, elle chantonnait et souriait toute seule. Harry et Ron racontèrent à Hermione, qui revenait du cours d’arithmancie, ce qui s’était passé en divination. Entre-temps, tout le monde avait sorti son livre sur la Théorie des stratégies de défense magique et, avant qu’Hermione ait pu poser la moindre question, le professeur Ombrage avait demandé le silence, qu’elle obtint aisément.

— Rangez vos baguettes, ordonna-t-elle avec un sourire.

Les quelques élèves suffisamment optimistes pour les avoir sorties durent les remettre tristement dans leur sac.

— Puisque nous avons fini de lire le premier chapitre au cours précédent, je voudrais maintenant que vous ouvriez vos livres à la page 19 et que vous commenciez la lecture du chapitre deux : « Les théories de défense les plus communes et leurs dérivés ». Bien entendu, il sera inutile de bavarder.

Arborant toujours son large sourire satisfait, elle s’assit à son bureau. La classe tout entière laissa échapper un long soupir parfaitement audible et se reporta d’un même mouvement à la page 19. Harry se demanda d’un air d’ennui si le livre contenait suffisamment de chapitres pour qu’ils puissent passer tous les cours de l’année à le lire. Il s’apprêtait à consulter la table des matières lorsqu’il vit qu’Hermione avait de nouveau levé la main.

Le professeur Ombrage l’avait vue, elle aussi, mais apparemment, elle avait mis au point une nouvelle stratégie pour faire face à ce genre d’éventualité. Au lieu de regarder ailleurs comme si elle n’avait rien remarqué, elle se leva et s’approcha de la table d’Hermione. Puis elle se pencha vers elle et murmura, de telle sorte que le reste de la classe ne puisse l’entendre :

— Qu’y a-t-il, cette fois, Miss Granger ?

— J’ai déjà lu le chapitre deux, répondit Hermione.

— Dans ce cas, passez donc au chapitre trois.

— Celui-là aussi, je l’ai lu. En fait, j’ai lu tout le livre.

Le professeur Ombrage cligna des yeux mais elle reprit aussitôt contenance.

— Très bien, dans ce cas, vous devriez pouvoir me répéter ce qu’Eskivdur dit des contre-maléfices au chapitre quinze.

— Il dit que le terme de contre-maléfice est impropre, répondit immédiatement Hermione. Et que les gens donnent le nom de « contre-maléfice » à leurs propres maléfices pour les rendre plus acceptables.

Le professeur Ombrage haussa les sourcils et Harry vit qu’elle ne pouvait s’empêcher d’être impressionnée.

— Mais moi, je ne suis pas d’accord, poursuivit Hermione.

Les sourcils du professeur Ombrage se levèrent un peu plus et son regard devint nettement plus froid.

— Vous n’êtes pas d’accord ?

— Non, dit Hermione qui, à l’inverse d’Ombrage, ne murmurait pas mais parlait d’une voix claire et forte qui avait attiré l’attention de toute la classe. Mr Eskivdur n’aime pas les maléfices, mais moi, je pense qu’ils peuvent se révéler très utiles lorsqu’on les utilise pour se défendre.

— Ah vraiment, voyez-vous cela ? répliqua le professeur Ombrage.

Elle avait oublié de murmurer et s’était redressée.

— Eh bien, je crains que ce soit l’opinion de Mr Eskivdur et non la vôtre qui importe dans cette classe, Miss Granger.

— Mais…, commença Hermione.

— Ça suffit, coupa le professeur Ombrage.

Elle revint vers son bureau et se tourna face aux élèves. L’enjouement dont elle avait fait étalage jusqu’à présent avait totalement disparu.

— Miss Granger, dit-elle, j’enlève cinq points à la maison Gryffondor.

Des marmonnements s’élevèrent aussitôt dans toute la classe.

— Et pourquoi ? demanda Harry avec colère.

— Ne t’en mêle pas ! lui murmura précipitamment Hermione.

— Pour avoir perturbé mon cours avec des interruptions intempestives, répondit le professeur Ombrage de sa voix doucereuse. Je suis ici pour vous apprendre à utiliser une méthode approuvée par le ministère et qui ne nécessite aucunement que les élèves donnent leur opinion sur des sujets auxquels ils ne comprennent pas grand-chose. Vos professeurs précédents vous ont peut-être accordé une plus grande licence mais comme aucun d’entre eux n’aurait passé avec succès l’épreuve de l’inspection – à part le professeur Quirrell qui, au moins, s’était limité à l’étude de sujets adaptés à l’âge de ses élèves…

— Ah oui, ça, c’était un grand professeur, Quirrell, l’interrompit Harry à voix haute. Son seul petit défaut, c’est qu’il avait Lord Voldemort collé à l’arrière de la tête.

Cette déclaration fut suivie d’un des silences les plus assourdissants que Harry ait jamais entendus. Puis…

— Je crois qu’une autre semaine de retenue vous ferait le plus grand bien, Mr Potter, dit Ombrage d’une voix onctueuse.

 

La coupure sur la main de Harry avait à peine eu le temps de guérir que le lendemain matin elle saignait à nouveau. Il ne s’était pas plaint pendant la retenue du soir, toujours décidé à ne pas donner cette satisfaction à Ombrage. Inlassablement, il avait écrit : « Je ne dois pas dire de mensonges » sans qu’aucun son ne s’échappe de ses lèvres bien que sa blessure devienne de plus en plus profonde à chaque lettre qu’il traçait.

La plus terrible conséquence de cette deuxième semaine de retenue fut, comme George l’avait prédit, la réaction d’Angelina. Elle l’intercepta au moment où il arrivait à la table de Gryffondor pour le petit déjeuner du mardi et se mit à crier si fort que le professeur McGonagall quitta la table des enseignants pour se précipiter vers eux.

— Miss Johnson, comment osez-vous faire un tel vacarme dans la Grande Salle ? Cinq points de moins pour Gryffondor !

— Mais, professeur… il s’est encore arrangé pour avoir une retenue…

— Qu’est-ce que c’est que ça, Potter ? demanda sèchement le professeur McGonagall. Qui vous a donné une retenue ?

— Le professeur Ombrage, marmonna Harry qui évitait soigneusement les yeux perçants du professeur McGonagall, encadrés de leurs lunettes carrées.

— Êtes-vous en train de me dire, répondit-elle, en baissant la voix pour que les curieux assis derrière eux à la table des Serdaigle ne puissent l’entendre, que malgré mon avertissement de lundi dernier, vous avez de nouveau perdu votre calme dans la classe du professeur Ombrage ?

— Oui, grommela Harry, les yeux fixés sur le sol.

— Potter, vous devez vous ressaisir ! Vous vous exposez à de sérieux ennuis ! Encore cinq points de moins pour Gryffondor !

— Mais… que… ? Non, professeur ! s’exclama Harry, furieux de cette injustice. J’ai déjà été puni par elle, pourquoi en plus nous enlever des points ?

— Parce que les retenues ne semblent avoir aucun effet sur vous ! répliqua le professeur McGonagall d’une voix tranchante. Non, plus un mot de protestation, Potter ! Quant à vous, Miss Johnson, vous êtes priée à l’avenir de limiter vos performances vocales au terrain de Quidditch si vous ne voulez pas courir le risque de perdre votre poste de capitaine de l’équipe !

Le professeur McGonagall retourna à grands pas à sa table. Angelina lança à Harry un regard de profond dégoût puis s’éloigna tandis qu’il se laissait tomber sur le banc à côté de Ron. Il était furieux.

— Elle nous enlève des points parce que je me fais charcuter la main tous les soirs ! C’est juste, ça, hein ? C’est juste ?

— Je sais, mon vieux, je sais, répondit Ron d’un ton compatissant en servant à Harry quelques tranches de bacon. Elle est complètement à côté de la plaque.

Hermione, elle, se contentait de feuilleter La Gazette du sorcier sans dire un mot.

— Toi, tu penses que McGonagall a raison, c’est ça ? dit Harry avec colère en s’adressant à la photo de Cornélius Fudge étalée à la une derrière laquelle se cachait Hermione.

— J’aurais mieux aimé qu’elle ne t’enlève pas de points, mais je crois qu’elle a raison de t’inciter à garder ton calme avec Ombrage, répondit la voix d’Hermione, tandis que Fudge gesticulait avec force comme s’il prononçait un discours.

Harry n’adressa plus la parole à Hermione pendant tout le cours de sortilèges mais, lorsqu’ils entrèrent dans la classe de métamorphose, il oublia qu’il était fâché avec elle. Le professeur Ombrage était assise avec son bloc-notes dans un coin de la salle et cette vision chassa aussitôt de son esprit le souvenir du petit déjeuner.

— Parfait, murmura Ron tandis qu’ils s’asseyaient à leurs places habituelles. Ombrage va enfin avoir ce qu’elle mérite.

Le professeur McGonagall s’avança dans la classe sans manifester le moindre signe indiquant qu’elle avait remarqué la présence du professeur Ombrage.

— Bien, ça suffit, dit-elle et le silence se fit aussitôt. Mr Finnigan, ayez la gentillesse de venir prendre les devoirs corrigés que vous distribuerez à vos camarades… Miss Brown, s’il vous plaît, prenez cette boîte de souris… Allons, ne soyez pas stupide, elles ne vous feront aucun mal… Vous en donnerez une à chaque élève…

— Hum, hum, dit le professeur Ombrage, avec cette même petite toux stupide qui avait interrompu Dumbledore le soir de la rentrée.

Le professeur McGonagall ne lui accorda aucune attention. Seamus rendit son devoir à Harry qui le prit sans lever les yeux vers lui et vit à son grand soulagement qu’il avait réussi à obtenir un A.

— Alors, écoutez-moi bien, tous – Dean Thomas, si vous refaites ça à cette souris, vous aurez une retenue –, la plupart d’entre vous sont parvenus à faire disparaître leurs escargots et même ceux à qui il est resté un peu de coquille ont compris l’essentiel du sortilège. Aujourd’hui, nous allons…

— Hum, hum, dit le professeur Ombrage.

— Oui ? répondit le professeur McGonagall qui se tourna vers elle, les sourcils si rapprochés qu’ils semblaient former une seule ligne, longue et rigide.

— J’étais en train de me demander, professeur, si vous aviez reçu mon petit mot vous indiquant le jour et l’heure de mon inspec…

— Bien sûr que je l’ai reçu, sinon je vous aurais demandé ce que vous faisiez dans ma classe, répliqua le professeur McGonagall, en tournant résolument le dos au professeur Ombrage.

De nombreux élèves échangèrent des regards réjouis.

— Comme je le disais, nous allons pratiquer aujourd’hui une Disparition plus difficile, celle d’une souris. Le sortilège de Disparition…

— Hum, hum.

— Je ne vois pas très bien, dit le professeur McGonagall avec une colère froide, comment vous espérez vous faire une idée de mes méthodes d’enseignement si vous persistez à m’interrompre sans cesse. En règle générale, je ne permets à personne de parler en même temps que moi.

On aurait dit que le professeur Ombrage venait de recevoir une gifle. Elle ne répondit pas un mot mais ajusta son parchemin sur son bloc-notes et se mit à écrire frénétiquement.

L’air suprêmement indifférent, le professeur McGonagall s’adressa à nouveau à la classe :

— Comme je le disais, le sortilège de Disparition devient d’autant plus difficile que l’animal à faire disparaître est plus complexe. L’escargot, qui n’est qu’un simple invertébré, ne présente pas d’obstacle majeur. Mais la souris, qui est un mammifère, offre une plus grande résistance. Ce n’est donc pas un acte magique qu’on peut accomplir en pensant à ce qu’on va manger le soir. Alors, maintenant… vous connaissez l’incantation, montrez-moi ce que vous êtes capables de faire…

— Et après, elle viendra encore me faire des sermons pour dire que je dois garder mon calme avec Ombrage ! murmura Harry à Ron.

Mais cette fois, il souriait – sa colère contre le professeur McGonagall s’était entièrement dissipée.

Le professeur Ombrage ne suivit pas le professeur McGonagall dans toute la classe comme elle l’avait fait avec le professeur Trelawney. Sans doute se rendait-elle compte que McGonagall ne l’aurait pas toléré. Elle prit cependant beaucoup de notes sans quitter le coin où elle s’était assise et, lorsque leur professeur annonça aux élèves qu’ils pouvaient ranger leurs affaires, elle se leva avec une expression sinistre.

— C’est quand même un début, dit Ron.

Il tenait entre les doigts une longue queue de souris qui se tortillait et la laissa tomber dans la boîte que Lavande passait entre les rangées.

Alors qu’ils sortaient de la classe en file indienne, Harry vit le professeur Ombrage s’approcher du bureau. Il donna un coup de coude à Ron qui en donna un autre à Hermione et tous trois s’attardèrent délibérément pour entendre ce qui se disait.

— Depuis combien de temps enseignez-vous à Poudlard ? demanda le professeur Ombrage.

— Ça fera trente-neuf ans en décembre, répondit le professeur McGonagall avec brusquerie en fermant son sac d’un coup sec.

Le professeur Ombrage écrivit quelque chose.

— Très bien, vous recevrez les résultats de votre inspection dans un délai de dix jours.

— Je les attends avec impatience, répliqua le professeur McGonagall avec une froide indifférence avant de se diriger à grands pas vers la porte de la salle. Dépêchez-vous, tous les trois, ajouta-t-elle en poussant Harry, Ron et Hermione devant elle.

Harry ne put s’empêcher de lui adresser un léger sourire et il aurait juré qu’elle le lui avait rendu.

Il avait pensé que la prochaine fois qu’il verrait Ombrage, ce serait le soir, à l’heure de sa retenue, mais il se trompait. Lorsqu’ils traversèrent les pelouses en direction de la forêt pour assister au cours de soins aux créatures magiques, ils la retrouvèrent, elle et son bloc-notes, attendant à côté du professeur Gobe-Planche.

— D’habitude, ce n’est pas vous qui assurez ce cours, c’est bien cela ? entendit Harry alors qu’ils arrivaient devant la table à tréteaux sur laquelle les Botrucs captifs s’agitaient en tous sens à la recherche de cloportes, telles des branches douées de vie.

— C’est bien cela, répondit le professeur Gobe-Planche.

Les mains derrière le dos, elle se balançait d’avant en arrière.

— Je remplace le professeur Hagrid en son absence.

Harry échangea des regards inquiets avec Ron et Hermione. Malefoy chuchotait avec Crabbe et Goyle. Il serait certainement ravi de saisir cette occasion pour raconter des histoires sur Hagrid à une représentante du ministère.

— Mmmm, dit le professeur Ombrage.

Elle baissa la voix, mais Harry parvenait quand même à l’entendre clairement.

— Je me demande… Le directeur semble étrangement réticent lorsque je lui pose des questions à ce sujet… Mais vous, pourriez-vous me dire la raison de cette absence très prolongée du professeur Hagrid ?

Harry vit Malefoy lever les yeux d’un air avide.

— Bien peur de ne pas pouvoir vous répondre, dit le professeur Gobe-Planche d’un air jovial. N’en sais pas plus que vous sur la question. Reçu un hibou de Dumbledore, est-ce que je voulais un travail d’enseignante pendant deux semaines. J’ai accepté. Voilà tout ce que je sais. Bon… alors, je commence ?

— Oui, je vous en prie, dit le professeur Ombrage en écrivant sur son bloc-notes.

Ombrage adopta une autre méthode durant ce cours. Elle se promenait parmi les élèves en leur posant des questions sur les créatures magiques. La plupart donnèrent les bonnes réponses et le moral de Harry remonta quelque peu. Au moins, la classe faisait honneur à Hagrid.

Après avoir longuement interrogé Dean Thomas, le professeur Ombrage retourna au côté du professeur Gobe-Planche.

— D’une manière générale, dit Ombrage, en tant que membre provisoire de l’équipe pédagogique – un observateur objectif, en quelque sorte –, comment trouvez-vous Poudlard ? Pensez-vous que vous bénéficiez d’un soutien suffisant de la part de la direction ?

— Oh oui, Dumbledore est un excellent directeur, répondit le professeur Gobe-Planche avec chaleur. Je suis très heureuse de la façon dont les choses sont organisées, vraiment très heureuse.

Avec un air d’incrédulité polie, Ombrage griffonna un mot sur son bloc-notes et poursuivit :

— Qu’est-ce que vous avez l’intention d’étudier cette année avec cette classe – en supposant bien sûr que le professeur Hagrid ne revienne pas ?

— Oh, je leur ferai faire un tour d’horizon des créatures qui reviennent le plus souvent aux épreuves de BUSE, répondit le professeur Gobe-Planche. Il ne reste plus grand-chose, ils ont déjà vu les licornes et les Niffleurs. Je pensais ajouter les Porlocks et les Fléreurs, leur apprendre à reconnaître les Croups et les Noueux, voilà…

— Vous, au moins, vous semblez savoir ce que vous faites, remarqua le professeur Ombrage en traçant une croix bien nette sur son bloc-notes.

Harry n’aimait pas la façon dont elle avait accentué le « vous » et il aima encore moins la question qu’elle posa ensuite à Goyle :

— J’ai entendu dire qu’il y avait eu des blessés dans cette classe ?

Goyle eut un sourire stupide et Malefoy s’empressa de répondre à sa place :

— C’est moi qui ai été blessé, dit-il, un hippogriffe m’a fait une entaille au bras.

— Un hippogriffe ? s’exclama le professeur Ombrage.

Elle se mit soudain à griffonner avec frénésie sur son bloc-notes.

— C’est simplement parce qu’il a été trop bête pour écouter ce que Hagrid lui a dit, intervint Harry avec colère.

Ron et Hermione poussèrent tous deux un gémissement. Le professeur Ombrage tourna lentement la tête vers Harry.

— Voilà qui nous fera une soirée de retenue supplémentaire, dit-elle à mi-voix. Eh bien, merci, professeur Gobe-Planche. Je n’ai plus besoin de rien. Vous recevrez les résultats de votre inspection dans un délai de dix jours.

— C’est parfait, répondit le professeur Gobe-Planche.

Et Ombrage s’éloigna sur la pelouse en direction du château.

 

Ce soir-là, il était presque minuit lorsque Harry quitta le bureau d’Ombrage. Sa main saignait tellement à présent que le foulard dont il l’avait entourée était taché de sang. À son retour, il s’attendait à voir la salle commune vide mais Ron et Hermione l’avaient attendu. Il fut content de les retrouver, surtout qu’Hermione était disposée à se montrer plus compatissante que critique.

— Tiens, dit-elle, en poussant vers lui un petit bol rempli d’un liquide jaune. Trempe ta main là-dedans, c’est une solution filtrée de tentacules de Murlap marinés, ça devrait te faire du bien.

Harry plongea sa main douloureuse et ensanglantée dans le bol et éprouva bientôt une merveilleuse sensation de soulagement. Pattenrond s’enroula autour de ses jambes en ronronnant bruyamment puis sauta sur ses genoux et s’y installa.

— Merci, dit-il avec reconnaissance en grattant Pattenrond derrière les oreilles avec sa main gauche.

— Je pense toujours que tu devrais te plaindre auprès de quelqu’un, dit Ron à voix basse.

— Non, répondit Harry d’un ton catégorique.

— McGonagall serait folle de rage si elle savait ça…

— Oui, sans doute, dit Harry. Et combien de temps crois-tu qu’il faudrait à Ombrage pour faire passer un nouveau décret stipulant que quiconque se plaindra de la Grande Inquisitrice sera immédiatement renvoyé ?

Ron ouvrit la bouche mais aucune réplique ne lui vint à l’esprit et il finit par la refermer, dépité.

— Cette bonne femme est abominable, dit Hermione d’une petite voix. Abominable. Tu sais, j’étais justement en train de dire à Ron au moment où tu es arrivé… Il faudrait qu’on fasse quelque chose à son sujet.

— Je suggère le poison, dit Ron d’un air lugubre.

— Non… je voulais dire quelque chose par rapport à ses cours où on n’apprend rien du tout pour se défendre, dit Hermione.

— Qu’est-ce qu’on y peut ? répondit Ron en bâillant. Trop tard, non ? Elle a décroché le poste et elle est là pour longtemps. Fudge y veillera.

— En fait, risqua Hermione, je me disais ce matin…

Elle jeta un coup d’œil un peu inquiet à Harry, puis se lança :

— Je me disais que le moment est peut-être venu de… de faire les choses nous-mêmes.

— Nous-mêmes ? répéta Harry d’un ton soupçonneux, sa main flottant toujours dans l’essence de tentacules de Murlap.

— Oui… Apprendre la défense contre les forces du Mal par nous-mêmes, reprit Hermione.

— Qu’est-ce que tu racontes ? grogna Ron. Tu veux nous donner du travail en plus ? Est-ce que tu te rends compte que Harry et moi, on a encore pris du retard dans nos devoirs ? Et on n’en est qu’à la deuxième semaine !

— Oui, mais ça, c’est beaucoup plus important que les devoirs, dit Hermione.

Harry et Ron la regardèrent avec des yeux ronds.

— Je ne savais pas qu’il y avait dans tout l’univers quelque chose de plus important que les devoirs ! dit Ron.

— Ne sois pas stupide, bien sûr que si, répliqua Hermione.

Harry vit alors, avec un sentiment d’appréhension, que son visage s’était soudain animé d’une ferveur semblable à celle que lui inspirait généralement l’évocation de la S.A.L.E.

— Il s’agit de nous préparer, comme l’a dit Harry au premier cours d’Ombrage, à ce qui nous attend dehors. De faire en sorte que nous puissions véritablement nous défendre. Si nous n’apprenons rien pendant une année entière…

— On n’arrivera pas à grand-chose tout seuls, soupira Ron d’un ton accablé. Oh, bien sûr, on peut toujours aller à la bibliothèque pour étudier des maléfices et essayer de les appliquer…

— Non, cette fois, je suis d’accord, nous avons dépassé le stade où l’on n’apprend les choses que dans les livres, dit Hermione. Il nous faut un professeur, un vrai, qui sache nous montrer comment utiliser les sortilèges et nous corriger en cas d’erreur.

— Si tu penses à Lupin…, commença Harry.

— Non, non, je ne pense pas à Lupin, coupa Hermione. Il est trop occupé avec l’Ordre et de toute façon, nous ne pourrions le voir que pendant nos week-ends à Pré-au-Lard, ce qui ne serait pas du tout suffisant.

— Alors, qui ? demanda Harry, les sourcils froncés.

Hermione poussa un profond soupir.

— C’est évident, non ? dit-elle. Je veux parler de toi, Harry.

Il y eut un moment de silence. Une légère brise nocturne fit vibrer les carreaux de la fenêtre, derrière Ron, et les flammes vacillèrent dans la cheminée.

— De moi à propos de quoi ? interrogea Harry.

— De toi comme professeur de défense contre les forces du Mal.

Harry la contempla avec des yeux ronds. Puis il se tourna vers Ron, prêt à échanger avec lui un de ces regards exaspérés que leur inspirait Hermione quand elle se lançait dans des projets extravagants tels que la S.A.L.E. Mais, à la grande consternation de Harry, Ron n’avait pas du tout l’air exaspéré.

Le front légèrement plissé, il semblait réfléchir.

— C’est une idée, dit-il.

— Qu’est-ce qui est une idée ? dit Harry.

— Toi, répondit Ron. Que tu deviennes notre professeur.

— Mais…

Harry souriait à présent, certain que les deux autres le faisaient marcher.

— Je ne suis pas professeur, je ne peux pas…

— Harry, tu es toujours le meilleur en cours de défense contre les forces du Mal, dit Hermione.

— Moi ? s’étonna-t-il, en souriant de plus en plus. Bien sûr que non, tu m’as battu à tous les examens…

— Non, ce n’est pas vrai, répliqua froidement Hermione. Tu m’as battue en troisième année, la seule année où on ait tous les deux passé l’examen avec un professeur qui savait de quoi il parlait. Mais il ne s’agit pas d’examens, Harry, pense plutôt à ce que tu as fait !

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

— Tu sais, finalement, je n’ai pas très envie d’avoir comme prof quelqu’un d’aussi idiot, dit Ron à Hermione, avec un petit sourire moqueur.

Il se tourna vers Harry.

— Réfléchissons, dit-il, en imitant Goyle en plein effort de concentration. Heu… première année, tu as sauvé la pierre philosophale des mains de Tu-Sais-Qui.

— Simple coup de chance, dit Harry. Ce n’était pas mon habileté personnelle…

— Deuxième année, l’interrompit Ron, tu as tué le Basilic et anéanti Jedusor.

— Oui, mais si Fumseck n’avait pas été là, je…

— Troisième année, poursuivit Ron en élevant la voix, tu as affronté une centaine de Détraqueurs à la fois…

— Là encore, un coup de chance, si le Retourneur de Temps n’avait…

— L’année dernière, reprit Ron qui criait presque à présent, tu as combattu Tu-Sais-Qui une nouvelle fois…

— Écoutez-moi ! s’exclama Harry, presque avec colère.

Ron et Hermione avaient maintenant un petit rire moqueur.

— Vous m’écoutez, oui ? Ça paraît très bien quand vous en parlez comme ça, mais c’était uniquement de la chance ; la moitié du temps, je ne savais pas ce que je faisais, je n’avais rien prévu, j’ai simplement improvisé comme je le pouvais et j’ai presque toujours eu de l’aide…

Ron et Hermione continuaient de ricaner et Harry sentit sa colère monter. Il ne savait d’ailleurs pas très bien pourquoi il était si furieux.

— Ne restez pas là à sourire comme si vous saviez tout mieux que moi ! dit-il en s’emportant. C’est moi qui étais là, non ? Je sais bien ce qui s’est passé ! Et si j’ai réussi à faire tout ça, ce n’est pas parce que j’étais brillant en défense contre les forces du Mal mais parce que… parce que j’ai reçu une aide au bon moment ou parce que j’avais bien deviné… mais, croyez-moi, j’ai complètement pataugé, je n’avais aucune idée de ce que je faisais – ET ARRÊTEZ DE RIGOLER !

Le bol d’essence de Murlap tomba par terre et se brisa. Harry se rendit compte qu’il était debout alors qu’il ne se souvenait pas de s’être levé. Pattenrond fila se réfugier sous un canapé. Le sourire de Ron et d’Hermione avait disparu.

— Vous ne savez pas ce que c’est ! Ni l’un ni l’autre vous n’avez eu à l’affronter ! Vous pensez qu’il suffit de se souvenir de quelques sortilèges et de les lui jeter à la figure, comme si on était en classe ? Pendant tout le temps où vous êtes face à lui, vous savez qu’entre vous et la mort, il n’y a plus rien d’autre que votre… votre cerveau, vos tripes, ou je ne sais quoi. Comme si on pouvait réfléchir normalement quand on sait que dans une fraction de seconde, on va se faire tuer, torturer ou voir ses amis mourir… ils ne nous ont jamais appris ça en classe, ce que c’est que d’affronter ce genre de choses… Et vous deux, vous êtes là à faire comme si j’étais un brave garçon bien intelligent sous prétexte que je suis vivant, comme si Diggory, lui, n’était qu’un idiot qui a raté son coup… Vous n’y comprenez rien, j’aurais très bien pu mourir à sa place, c’est ce qui se serait passé si Voldemort n’avait pas eu besoin de moi…

— On n’a rien dit de tout ça, mon vieux, se défendit Ron, effaré. On ne s’en est jamais pris à Diggory, pas du tout, tu te trompes complètement…

Il jeta un regard désemparé à Hermione qui paraissait pétrifiée.

— Harry, dit-elle timidement, tu ne comprends donc pas. C’est… c’est exactement pour ça qu’on a besoin de toi… on a besoin de savoir co-comment c’est… de… de l’affronter… d’affronter V-Voldemort.

C’était la première fois de sa vie qu’elle prononçait le nom de Voldemort et ce fut cela, plus que tout le reste, qui parvint à calmer Harry. La respiration toujours saccadée, il se laissa retomber dans son fauteuil et reprit conscience de l’horrible douleur qui lui transperçait la main. Il regretta alors d’avoir renversé le bol d’essence de Murlap.

— Écoute… penses-y, dit Hermione à voix basse. S’il te plaît.

Harry ne trouva rien à répondre. Il avait déjà honte de s’être emporté et il se contenta d’acquiescer d’un signe de tête, sans très bien savoir à quoi.

Hermione se leva.

— Bon, je vais me coucher, dit elle d’une voix qu’elle s’efforça de rendre la plus naturelle possible. Heu… Bonne nuit.

Ron s’était levé à son tour.

— Tu viens ? demanda-t-il maladroitement à Harry.

— Oui, répondit Harry. Dans une minute, le temps de nettoyer ça.

Il montra le bol fracassé par terre. Ron fit un signe de tête et s’en alla.

 Reparo, marmonna Harry en pointant sa baguette magique sur les morceaux de porcelaine.

Ils se recollèrent aussitôt, reformant un bol tout neuf mais il était impossible d’y remettre l’essence de Murlap.

Harry se sentait si fatigué qu’il fut tenté de rester dans son fauteuil et d’y dormir mais il se força quand même à se lever et suivit Ron dans l’escalier. Cette fois encore, son sommeil agité fut ponctué de rêves peuplés de longs couloirs et de portes verrouillées. Lorsqu’il se réveilla le lendemain, il ressentit à nouveau des picotements le long de sa cicatrice.

 

Harry Potter et l'ordre du Phénix
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